La liste de mots  

Le défi cette fois consiste à utiliser une liste de mots prédéfinis et de les inclure dans un texte original.

Les dix mots sont : capteur, clair de terre, pérenne, clic, ailleurs, compatible, désirer, génome, transformer, vision.

Ils sont issus de la semaine de la langue française, manifestation culturelle francophone. “Dix mots pour demain” qui illustrent la capacité du français à exprimer les enjeux et les préoccupations d’avenir de nos contemporains. Dix mots qui illustrent la complexité et les contradictions des défis auxquels nous sommes confrontés.

 

 

Space Invaders

 

— Regarde, un clair de terre !

— Wahou ! Tout ce bleu, cette lumière, c’est magnifique !

Le vaisseau venait de sortir de l’ombre de la lune et la planète bleue s’offrait soudain à eux, envahissant tout leur champ de vision. Le voyage avait été long. Sept parsecs séparaient Zorg de la Terre. Même en voyageant à la vitesse lumière et en utilisant les raccourcis  qu’offraient les trous noirs, cela faisait un sacré voyage. Mais ils touchaient enfin au but ! Dans quelques heures, ils se poseraient sur ce monde. La première phase de la colonisation commencerait.

Le développement technologique avait rapidement épuisé les maigres ressources de Zorg. La planète se mourrait et bientôt elle s’éteindrait définitivement. L’inéluctable constat posé, il fallut trouver une solution. Des sondes de reconnaissance furent envoyées aux quatre coins de la galaxie pour trouver une planète qui pourrait accueillir les Zorghiens. Sur les  milliers  de planètes visitées, une seule  se trouva compatible. Elle se situait dans le système solaire. Elle regorgeait de ressources.
Sitôt découverte, Klamox, l’empereur de Zorg, déclara que ce monde serait l’Ailleurs tant désiré.

Il avait un temps pensé qu’un métissage des  peuples serait possible mais cela s’était vite révélé inconcevable. Les génomes étaient complètement différents. Les informations envoyées par les sondes étaient sans appel. Si la planète bleue  était parfaite, son peuple lui, était  primitif. Quant à leur technologie… elle était rudimentaire. A des années-lumière du niveau d’évolution de Zorg. Ces êtres inférieurs seraient donc asservis ou éliminés. L’avenir pérenne que l’empereur avait promis à son peuple en passait par là.

— Nous sommes en approche commandant, indiqua Bek. Les capteurs  confirment nos informations. La composition de l’air est quasi identique à celle de Zorg. J’enclenche le système de camouflage.

— Parfait ! approuva le commandant. Cherchons un endroit où nous installer discrètement.

 

Matthieu était sur sa terrasse. Il s’étira longuement en embrassant du regard le terrain qui s’étendait devant lui : « le gazon est vraiment haut ! constata-t-il en faisant la moue. Il est grand  temps de couper». Sans plus attendre, il sortit la tondeuse du garage. Après avoir vérifié le  niveau d’essence, l’homme tira sur la poignée de démarrage. Le moteur pétarada du premier coup, crachant une fumée saturée d’huile. Matthieu avait fait affûter les lames de coupe la semaine précédente. Il avait hâte de voir le résultat. Il enclencha l’auto traction et s’engagea sur la pelouse en sifflotant.

 

— Là commandant ! Qu’en dites-vous ?

— Bien joué Bek ! L’endroit me semble parfait pour passer inaperçu.

— Alors c’est parti ! clama le pilote joyeusement.

Bek amorça la descente en direction d’un espace dégagé, près de ce qui semblait être une immense forêt, aussi haute que le vaisseau.

— Sois prudent mon ami, nous n’avons  pas  droit à l’erreur. Tous les espoirs de notre peuple reposent sur la réussite de  cette mission. rappela le commandant d’un ton solennel.

Après une dernière courbe, l’astronef se stabilisa au-dessus de la clairière et se posa en douceur.

— Nous allons être les premiers Zorghiens à fouler le sol de cette planète. C’est un grand moment de notre histoire ! A notre retour, nous serons fêtés comme des héros commandant ! s’enthousiasma Bek.

— Ne t’emballe pas. Restons prudent car si nous échouons… c’en est fini de Zorg ! répliqua le commandant. Equipons-nous et faisons une  première reconnaissance. J’ai hâte d’informer notre empereur que nous pouvons transformer ce monde.

Soudain le vaisseau se mit à vibrer, déséquilibrant les Zorghiens. Cramponnés au mobilier, ils échangèrent un regard inquiet.

— Que se passe-t-il ? questionna le commandant. Le vaisseau ?

— Non, on dirait plutôt que c’est le sol qui tremble, répondit le pilote.

A peine eut-il terminé sa phrase que les vibrations se muèrent en terribles secousses, tandis qu’un bruit assourdissant saturait l’air. Les Zorghiens furent projetés  au sol. Ils glissaient en tous sens en essayant d’éviter le matériel non arrimé qui s’écroulait dans  un fracas  épouvantable. Tout à coup, alors que le vaisseau semblait prêt à se disloquer sous les violentes secousses et que le bruit arrivait à son paroxysme, la nuit s’abattit sur le vaisseau. La lumière qui une seconde auparavant entrait par les grands hublots, venait soudainement de disparaître, plongeant les Zorghiens dans une indicible terreur.

 

Matthieu poussait tranquillement la tondeuse quand celle-ci eut soudain un violent soubresaut. Les lames émirent un bruit strident de métal cisaillé, avant que le système de sécurité n’en coupe la rotation. Matthieu sorti de sa rêverie en jurant.

— Mince une pierre !

Il tira prestement en arrière la tondeuse dont le moteur émettait des « clics et des clacs » inquiétants. « Ben alors ! lâcha Mathieu surpris». Il n’y avait aucune pierre sur la pelouse. En revanche le sol était jonché d’objets coupés par les lames. Ils étaient d’une couleur vert de gris. Ils ressemblaient à…

— La tortue ! comprit soudain Matthieu. Oh putain j’ai découpé la tortue ! Merde !

Paniqué il s’agenouilla au sol, se demandant déjà comment il allait annoncer ça aux enfants. Il prit le plus gros morceau entre ses doigts et l’examina sous toutes les coutures. La pièce était totalement lisse. « Ça ne ressemble  pas à un morceau de carapace ça ! se dit-il quelque peu soulagé. On dirait un matériau composite.  C’est bizarre ce truc ! » Mathieu regarda autour de lui. Aucune trace de chair ou de sang sur la pelouse immaculée. Juste des dizaines de morceaux du même matériau.

— Yes ! clama-t-il en sautant de joie. Je sais pas ce que c’est que ce truc mais c’est déjà pas la tortue. Génial !

Soulagé, il réenclencha la rotation des lames de la tondeuse. «je m’en sors bien ! pensa t-il. C’était sûrement un jouet des gosses. A la couleur, je parierai bien pour le Faucon Millenium.  Et de conclure d’un air entendu : c’est encore pas aujourd’hui qu’il va conquérir la terre ! ».

 

 QUESTION : Avez-vous trouvé les dix mots de la  liste dans le texte ? Si ce n’est pas le cas, cela veut dire que d’une part vous vous êtes fait embarquer par l’histoire et d’autre part, que les mots ont été judicieusement placés pour passer inaperçus. Auquel cas le challenge est relevé. Dans le cas contraire, j’ai raté l’exercice !