Rédiger une nouvelle sentimentale 

Consigne d’écriture
Rédiger une nouvelle littéraire en s’amusant avec les clichés du genre sentimental en racontant la naissance de sentiments amoureux entre deux personnages.

 

 

Romance au salon

 

Lou poussa la porte du salon de thé et alla s’asseoir à sa table habituelle. Elle aimait l’ambiance feutrée qui régnait dans ce lieu, sa déco surannée et sa clientèle discrète. Et puis il y avait le beau jeune homme qui s’asseyait près de l’entrée. Cela faisait une dizaine de jours qu’il s’y était installé, arrivant toujours à la même heure.

Il avait sensiblement le même âge qu’elle. Grand, mince, son visage halé par le soleil, était surmonté d’une tignasse ébouriffée qui lui donnait un petit côté bohème.

C’était étonnant un homme seul dans un salon de thé ! Qui pouvait-il être ? Pourquoi était-il là tous les après-midi ? Lou se posait un tas de questions à son sujet et sa nature romantique nourrissait son imagination d’histoires rocambolesques, dans lesquelles elle jouait bien sûr, le rôle de l’héroïne.

 

La jeune femme vivait seule. Traductrice littéraire, elle travaillait chez elle. Célibataire, d’un physique ordinaire et d’une timidité maladive, elle n’avait guère rencontré de garçons dans sa vie. Et surtout, aucun n’avait été à la hauteur des héros des romans qu’elle traduisait. Elle rêvait de prince charmant et à ce jour, n’en avait encore croisé aucun.

 

Les premiers temps, ils avaient échangés quelques regards fortuits et rapides. Puis au fil des jours, Lou avait remarqué que l’Homme l’observait avec plus d’attention. Les regards s’étaient fait plus appuyés, souvent accompagnés d’un sourire.

L’homme n’attendait jamais la serveuse. Il posait ses affaires et traversait le salon pour commander son thé. Il passait alors tout près de Lou qui l’observait par dessous sa frange. Hier, il avait ralenti à sa hauteur et lui avait adressé un franc sourire en lui disant « bonjour mademoiselle » d’une voix grave et profonde. Surprise, la jeune femme était resté pétrifiée, incapable de répondre.

Toute la soirée elle s’était repassée en boucle cet épisode, s’en voulant de n’avoir pas su mieux réagir. « Il a dû me prendre pour une idiote ! » pensa-t-elle.

Elle se laissait emporter par les sentiments qui naissaient en elle. Lou imaginait l’homme l’inviter à sa table. Ils feraient connaissance et elle voudrait tout savoir de lui. Elle les imaginait déjà, se promenant côte à côte dans le parc. Leurs doigts se frôleraient et il lui prendrait délicatement la main. Allongé dans l’herbe, elle poserait sa tête contre sa poitrine et il lui chuchoterait des mots d’amour. Lou se sentait transportée. Son cœur prêt à exploser ! Elle ne s’était pas sentie si heureuse depuis une éternité. Elle n’avait qu’une hâte, être à demain pour revoir son prince charmant.

 

Le lendemain une réunion de travail avec son éditeur, l’occupa une grande partie de l’après-midi. Si bien que Lou se rendit au salon de thé plus tard que d’habitude. « Il sera sûrement déjà là » se dit-elle en accélérant le pas. Elle s’imaginait déjà franchir la porte. L’homme lèverait son visage vers elle  et lui offrirait son grand sourire. Elle lui dirait « Bonjour » et il l’inviterait à s’asseoir avec lui. «  Ce serait le début de leur histoire ! »

Quand elle poussa la porte, son cœur battait la chamade et sa bouche était tellement sèche qu’elle se demanda si elle  pourrait prononcer un mot. L’homme était bien là, comme elle l’espérait. Un beau sourire illuminait son visage et son regard pétillait de bonheur. Il mangeait des yeux… la jeune femme assise en face de lui ! Stupéfaite, Lou resta un instant tétanisée. Puis sentant les larmes lui monter aux yeux, elle se précipita dans le salon. La gorge nouée, elle faisait de terribles efforts pour surmonter son émotion. Elle se sentait idiote, trahie. « Qui était cette femme ? ». Incapable de penser, elle voulait fuir cet endroit, ne jamais y avoir mis les pieds.  Mais pour cela il fallait repasser devant le couple. Et elle ne s’en sentait pas la force. Alors elle attendit, en les observant à la dérobée, comme pour se torturer davantage. La complicité du couple était flagrante et l’amour qui les unissait était presque palpable. Quand la jeune femme passa délicatement sa main sur la joue de l’homme, Lou ne pu retenir un sanglot. Elle détourna les yeux et pria pour qu’ils partent vite.

Lou dormit peu cette nuit-là. Et le lendemain, elle eut toutes les peines du monde pour se concentrer sur son travail. Au cours de l’après-midi, elle fit sa promenade habituelle, et ses pas la conduisirent machinalement au salon de thé. Elle entra et s’installa, ne sachant si elle espérait ou redoutait de voir l’homme arriver. Une demi-heure plus tard, celui-ci entra. La jeune femme à son bras. Ils s’installèrent à la même place. Lou les considéra un instant et malgré la souffrance que cela lui causait, elle dû reconnaître qu’ils formaient un beau couple.

« Comment ai-je pu être aussi naïve pour m’imaginer qu’une fille aussi banale que moi pouvait intéresser un garçon comme lui ! ».

 

Le lendemain elle ne se rendit pas au salon de thé. Les jours suivants non plus. Une semaine s’écoula avant qu’elle n’y retourne. « Des amoureux doivent avoir mieux à faire que passer leur après-midi dans un salon de thé » se dit-elle pour s’encourager. 

Lou retrouva sa table habituelle et s’y installa. Elle était plongée dans son livre quand elle sentit une présence à ses côtés. Elle leva la tête et découvrit l’homme, debout près d’elle. Il avait son éternel sourire aux lèvres quand il lui dit :

— Bonjour, quel plaisir de vous revoir !

Surprise, Lou le regarda un instant bouche bée. « Que fait-il là ? Elle ne l’avait pas entendu entrer. Pourquoi s’est-il arrêté lui parler ? » Un peu perdue, Lou regarda vers l’entrée. Personne. Ne sachant plus que penser, le cerveau en ébullition, elle s’entendit lui demander :

— Votre amie n’est pas là ?

— Mon amie ? Ah oui ! Elle est repartie à Londres. Ma sœur y est enseignante.

« Sa sœur ? Il a dit sa sœur ? ». Comme dans un film, Lou revit les images du couple, leur complicité. Sa sœur, mais oui bien sûr ! Une vague de bonheur submergea la jeune femme. La tête lui tournait.

— Mademoiselle, ça va ? demanda-t-il en s’asseyant.

« Oui, tout va bien mon beau prince » pensa-t-elle en souriant.