Le schéma narratif du roman : le voyage du héros

par | 8 Avr 23 | Actualité

Dans l’article précédent, nous avons vu la structure en trois actes du schéma narratif. Ici, nous allons explorer la seconde forme de narration : le voyage du héros.

Le concept a été établi par Joseph Campbell au milieu du siècle dernier et exposé dans son ouvrage de référence : Le héros aux mille et un visages

Cette structure du récit comporte 12 étapes. Elle est plus complète, plus complexe et surtout beaucoup plus précise. Elle permet entre autres d’offrir un fil conducteur avec des points d’étape et des objectifs qui à mon sens, facilite le travail de l’auteur.

Cette façon de rédiger une histoire est certainement la plus utilisée par les romanciers, mais aussi par les scénaristes de films ou séries, car elle permet de « manipuler » le lecteur (ou spectateur) afin qu’il s’engouffre dans l’histoire et en ressorte grandi.

Christopher Vogler qui a adapté le concept de Campbell au scénario nous enseigne que le héros doit apprendre quelque chose de ses aventures afin que le spectateur en tire lui aussi une leçon. Selon Campbell, les histoires auraient pour but de nous faire apprendre quelque chose à travers les aventures et les erreurs d’un personnage.

Les 12 étapes du voyage du héros selon Campbell :

1 : le monde ordinaire

2 : l’appel de l’aventure

3 : le refus de l’appel

4 : la rencontre avec le mentor

5 : le passage du premier seuil

6 : les épreuves, les alliés, les ennemis

7 : l’approche du cœur de la caverne

8 : l’épreuve suprême

9 : la récompense

10 : le chemin du retour

11 : la résurrection

12 : le retour avec l’élixir

1 : le monde ordinaire 

Dans cette première étape, nous allons faire connaissance avec le héros, découvrir les relations qu’il entretient avec les autres personnages, et l’univers dans lequel il évolue.

Celui-ci est le plus souvent banal et sans grand intérêt, et a pour but de montrer le contraste entre ce monde ordinaire et celui extraordinaire, aventureux, dans lequel il va bientôt être propulsé.

Dans le Seigneur des Anneaux, l’auteur nous expose dans les premiers chapitres la vie calme et tranquille des hobbits et plus particulièrement celle de Frodon.

2 : l’appel de l’aventure 

Le héros sort de sa zone de confort. Il est confronté à un problème majeur. Il doit relever un défi ou entreprendre une aventure.

L’appel peut prendre de multiples formes, mais dans tous les cas il doit impérativement fixer les règles du jeu et définir un objectif clair pour le héros. Un point essentiel, l’adversaire doit être puissant.

L’enjeu doit être élevé. Le héros doit risquer gros, souvent sa vie, c’est le gage d’épreuves épiques qui tiendront le lecteur en haleine (le lecteur doit avoir peur pour le héros).

Dans Star Wars, l’appel intervient lorsque Luke lit le message holographique de la princesse Leia qui demande l’aide d’Obi Wan.

3 : le refus de l’appel

Le héros prend peur. Il hésite à se jeter dans l’aventure. Il comprend que le risque est très important. Il est confronté à la peur de l’inconnu. La peur, l’hésitation du héros, crée une tension, une inquiétude, un suspense chez le lecteur.

Dans le seigneur des anneaux, Frodon refuse d’abord de porter l’anneau chez les elfes, et l’offre à Gandalf beaucoup plus apte à le faire selon lui.

4 : la rencontre avec le mentor

Le mentor prépare le héros à affronter l’inconnu. Il le conseille, le forme, le guide, lui donne des outils, des armes pour affronter l’inconnu. Il lui inculque des valeurs. C’est le mentor qui pousse le héros à agir.

Dans Star Wars, le rôle du mentor est tenu par Obi Wan. Il demande à Luke de l’aider à délivrer la princesse Leia. Il lui donne le sabre laser de son père. Le second mentor sera maître Yoda.

5 : le passage du premier seuil

C’est le moment où le héros entre réellement dans l’histoire. Le passage est souvent déclenché par un événement extérieur qui convainc le héros d’agir. Celui-ci surmonte sa peur, il abandonne le monde ordinaire pour s’engager dans l’aventure, réaliser la quête, résoudre le problème ou le défi représenté par l’appel.

Dans le Seigneur des Anneaux, ce sont les cavaliers noirs qui approchent de la Comté. Il est urgent de cacher l’anneau.

Ces cinq premières étapes correspondent à l’acte un de la structure en trois actes. Le lecteur a fait connaissance avec les personnages, l’environnement (monde ordinaire), et découvre l’élément perturbateur qui fait basculer l’histoire dans autre chose.

6 : le nouveau monde : les épreuves, les alliés, les ennemis

Dans cette étape le héros se confronte à un certain nombre d’épreuves au cours desquelles il se fera des alliés, mais aussi des ennemis.

La difficulté des épreuves doit aller crescendo pour maintenir la tension chez le lecteur. Chacune d’entre elle permet au héros d’acquérir de la confiance, du pouvoir, de la force… Elles sont là pour préparer le héros au combat final.

Dans Harry Potter, les alliés du jeune magicien sont principalement Ron et Hermione.

Les épreuves marquent le début du deuxième acte.

7 : l’approche du cœur de la caverne

Après de nombreuses et dangereuses épreuves, le héros arrive enfin près du but. Il s’agit souvent du lieu (symboliquement la caverne) où se trouve l’ennemi ultime.

Le héros a beaucoup appris, néanmoins il sait l’enjeu de ce combat et le redoute. Le lecteur doit comprendre que le héros peut mourir.

Cette ultime étape avant l’épreuve finale a pour but de tester la détermination du héros. Celui-ci est le plus souvent seul pour entrer dans la caverne. Ses alliés ne peuvent l’accompagner, c’est son combat.

Dans le Seigneur des Anneaux, à la fin du premier tome, Frodon décide de partir seul en Mordor pour détruire l’anneau de pouvoir. Sam imposera sa présence, signe que malgré la règle, rien n’est complètement figé, et que l’auteur peut adapter la méthode à ses besoins.

8 : l’épreuve suprême

C’est le moment le plus critique pour le héros. Il affronte ses plus grandes peurs, qu’il doit surmonter s’il veut s’en sortir. Il s’agit du moment central de l’histoire, et le plus sombre pour le lecteur qui se demande si son héros va vivre ou mourir.

Si les épreuves précédentes ont fait progresser le héros, celle-ci doit le transformer. D’une certaine façon il meurt en abandonnant ce qu’il était pour renaître différemment. Le héros a changé.

Ce moment est à distinguer du Climax qui arrive plus tard, à la toute fin du voyage.

Dans le Seigneur des Anneaux, l’épreuve suprême est le combat de Frodon avec Arachnée.

9 : la récompense

Le héros a vaincu et obtient sa récompense. Celle-ci peut prendre de multiples formes selon l’histoire. Le Graal, l’amour de la princesse, sauver le monde d’une catastrophe…

C’est à ce moment que le protagoniste devient réellement un héros. Avant il n’était qu’un apprenti sur le chemin de la gloire. Le héros a grandi, est plus sage, plus mature, et le regard que pose les autres sur lui a changé.

La récompense marque une courte pause dans l’aventure. La tension chute et permet au lecteur de respirer avant l’ultime épreuve et le Climax.

Dans Star Wars le retour du jedi, le héros résout un conflit familial. Luke se réconcilie avec Dark Vador son père, qui en définitive n’est pas aussi noir qu’on pouvait le croire.

10 : le chemin du retour

Cette étape marque l’entrée dans le troisième acte du récit.

Le héros n’est pas encore hors de danger, mais aux prises avec les conséquences de sa victoire. Le mal, l’ennemi, peut encore lui tomber dessus.

Dans le Seigneur des Anneaux, après que Sam ait délivré Frodon, ils doivent encore traverser le Mordor rempli de gobelins et d’orques pour atteindre la montagne du destin.

11 : la résurrection

Il s’agit de l’ultime épreuve purifiant le héros. C’est une sorte de répétition de l’épreuve suprême. Les forces du mal ont une dernière chance de vaincre le héros avant d’être finalement battues. C’est une sorte d’examen final pour le héros qui doit être mis à l’épreuve une dernière fois pour prouver qu’il a bien retenu ses leçons.

Cette étape marque le Climax de l’histoire.

Dans le Seigneur des Anneaux, c’est le combat final entre Frodon et Golum à l’intérieur de la montagne du destin.

Une fois encore l’auteur prend des libertés avec la règle qui voudrait que le héros soit fort et s’acquitte seul de sa mission après un combat épique. Ici, Frodon fait preuve de faiblesse, et ne jette pas l’anneau de son plein gré. Il y a bien un combat, que Frodon perd, mais la chance fait que la quête est réalisée quand même.

12 : le retour avec l’élixir

Le héros regagne le monde ordinaire en rapportant l’élixir (trésor ou leçon ressortant du monde extraordinaire). Il peut prendre de multiples formes : ramener la paix au sein de la galaxie dans Star Wars, la paix en terre du milieu dans le Seigneur des Anneaux. Ce peut aussi être l’amour dans Coup de foudre à Notting Hill et les romances en général, la gloire et la notoriété dans Rocky, mais cela peut-être aussi la sagesse dans Pinocchio.

Pour conclure, je dirai que le voyage du héros est une façon parmi d’autres d’écrire une histoire. Elle n’est pas une vérité absolue, et il faut la voir comme une source d’inspiration. La structure peut être adaptée en fonction de ses besoins et du type d’histoire que l’on raconte. Par exemple, le mentor n’est pas toujours présent, l’épreuve suprême et la résurrection sont parfois une seule et même étape, etc.

Je n’ai pas utilisé cette méthode pour écrire Projet Hurricane, mais si vous y réfléchissez, vous trouverez sans difficulté une partie des 12 étapes, qui je le rappelle, s’inscrive dans la structure en trois actes.

En revanche, pour mon prochain roman, Katharsis, j’ai suivi à ma sauce, la méthode du voyage du héros. Mais de cela, nous parlerons plus tard !