Séquencier et bonnes idées !

par | 11 Nov 22 | Actualité

Dans l’article précédent, je concluais mon propos en disant que le séquencier est un outil formidable pour éviter de se perdre, mais qu’entre sa rédaction et l’écriture proprement dite, de nouvelles idées pouvaient naître, et dans ce cas, que faire ?

Et oui, que faire lorsque des mois après la construction du séquencier, que vous avez déjà écrit cent, deux cents, trois cents pages, une, voire plusieurs très bonnes idées apparaissent ?

Pour être tout à fait franc, en cet instant, ce n’est pas une question (que faire ?) qui vous vient à l’esprit, mais un constat qui pourrait se résumer par cette évidence : « Je suis dans la merde ! ». Car s’il s’agit d’une idée majeure, votre narration va obligatoirement dévier de sa ligne directrice, celle que vous aviez prévue, et cela va remettre en question toute la suite du séquencier et donc, toute l’histoire.

Une histoire, un roman, est un jeu de construction. Lorsque vous bougez une pièce, cela déplace, même légèrement, toutes celles qui suivent. Le fameux « effet papillon ». Sans compter que cela déplace aussi, parfois, celles qui précèdent ! En effet, pour intégrer le nouvel élément dans votre histoire, vous serez probablement obligé de préparer son arrivée dans les pages antérieures… Autant dire des semaines de réflexion, de construction, de rédaction réduite à néant.

Alors que faire ? En réalité, vous n’avez pas beaucoup d’options. Lorsque vous aurez fini de pleurer sur votre infortune, ou de vous réjouir de cette merveilleuse idée, vous avez deux solutions :

1 : rester sur l’histoire que vous aviez initialement prévue, et tenter d’oublier cette belle idée.

2 : modifier votre histoire, car définitivement, la nouvelle version est bien meilleure que ce que vous aviez imaginé à l’origine. Ce qui vous vaudra de nouvelles larmes, car vous aurez travaillé des semaines pour rien et vous serez quitte pour imaginer une nouvelle suite.

Ce qui peut vous sauver, c’est que votre bonne bonne idée est juste une idée… mineure. Elle ne remet pas en cause le fondement de l’histoire ni sa conclusion.

Cela peut être le trait de caractère d’un personnage qui est plus ceci ou moins cela. Le lieu où se déroule l’action qui change, ou encore une scène que vous décrirez de manière plus intense ou plus soft que ce que vous aviez prévu, parce que c’est plus crédible ainsi.

À titre d’exemple, dans Projet Hurricane, il n’était pas prévu que Kane soit lesbienne (ou croit l’être !). Pas plus que je n’avais prévu que l’oncle Pierre soit l’être infâme que l’on découvre. Bogda n’était pas défiguré et n’avait pas ce problème de prononciation. La commissaire Pellegrini était un homme.

Mis à part l’orientation sexuelle de Kane qui a changé dès la rédaction du séquencier, le reste a évolué au cours de l’écriture. Je ne me souviens plus pourquoi j’ai décidé de rendre Bogda imparfait. Peut-être pour donner une raison à Lou de le chambrer à longueur de temps ! Mais l’idée s’est imposée à moi et elle m’a plu, alors je l’ai gardée, même s’il a fallu que je fasse tous ses dialogues à voix haute pour ne pas oublier d’intégrer son défaut de prononciation ! Le personnage de Pierre a évolué vers la perversion pour permettre à Cinnamon de montrer ses talents de persuasion (scène de tentative d’abus sexuel dans la casse). La commissaire est devenue une femme, car cela m’est apparu plus juste, plus crédible, par rapport à son histoire avec sa fille.

Comme vous le voyez, ce sont des ajustements qui ne remettent rien en cause. L’histoire aurait été la même sans ces changements. Quoique… rien n’est moins sûr. Peut-être que les sentiments du lecteur, son attachement ou sa détestation du personnage, ou même son identification auraient été différente. Qu’en pensez-vous ?

En conclusion, et ce n’est qu’un avis personnel, je dirai que si en cours d’écriture de nouvelles idées majeures arrivent, c’est que vous n’avez pas suffisamment réfléchi, pas suffisamment étudié toutes les pistes possibles de votre histoire. Vous n’avez pas laissé maturer assez longtemps celle-ci dans un coin de votre tête. Vous n’avez pas laissé suffisamment de temps au processus de création pour envisager toutes les options. En un mot, vous avez échoué dans votre travail préparatoire.

En effet, lorsque vous avez terminé votre séquencier, vous devriez avoir envisagé toutes les options, toutes les solutions, et avoir l’histoire « parfaite ». Exactement celle que vous avez envie de raconter.